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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 11:34

D’après la doctrine abrahamique, la mort est la séparation de l’âme et du corps. C’est le processus à travers lequel l’âme immortelle se libère du corps mortel en la quittant et allant soit au ciel,soit en enfer, soit au limbes.

 

Dans la philosophie africaine en général, Kongo en particulier, la mort est le passage d’une vie à une autre sans que l’homme cesse d’exister en tant qu’homme. Si la naissance est le processus par lequel l’enfant s’incorpore à la communauté des vivants, la mort à son tour est le véhicule par lequel le vivant-mort intègre la communauté des « mort-vivants ». Et si le mariage et l’acte sexuel sont des outils que l’homme utilise pour assurer la procréation, la maladie et la mort ne sont que des moyens naturels permettant le passage de l’homme de la vie terrestre à la vie des ancêtres.

 

Le clan en Afrique se compose de deux communautés : le monde visible et le monde invisible. Ces deux mondes sont séparés par une démarcation hypothétique et virtuelle : ainsi chaque clan en Afrique noire est composé de vivant-morts, de mort-vivants et de ceux qui naîtront. Pendant que la mort soustrait un membre à la communauté des morts-vivants, elle ajoute par contre un à la communauté des morts-vivants, le monde des ancêtres.

 

Pour l’africain en général, le Kongo en particulier, le cimetière est loin d’être un lieu de repos éternel. C’est un endroit par lequel les morts-vivants ou les défunts entrent dans le village des ancêtres.

 

Il est une porte à travers laquelle les défunts entre dans le monde des esprits. Pour cette raison, le cimetière est loin d’être une place tranquille, car il s’y passe toujours des va-et-vient. Et la tombe n’est autre chose que le lieu où le défunt se débarrasse de son apparence mortelle pour aller là où les ancêtres l’ont précédé, en dessous de la terre près de l’eau, là où nous vivons.

 

Paradoxalement, les morts-vivants doivent avoir deux résidences, le village des ancêtres et le cimetière. Ils visitent très souvent le lieu où ils ont laissé leurs formes mortelles. Pour cette raison, le cimetière reste potentiellement puissant et par conséquent dangereux. Et c’est là que le défunt est contacté par tous les vivants, même les non initiés aux pouvoirs mystiques qui sont le kindonki (le sorcier) et le nkisi (les féticheurs).

 

Le cimetière est un ensemble de tombeaux. Et chaque clan a son cimetière qui est l’endroit où habitait l’ancêtre qui a fondé le village.

 

Le sol du cimetière sur lequel les gens vont et viennent est de ce fait le point de contact le plus intime entre les morts – vivants et leurs familles de la société des vivants. C’est la tombe qui les soustraits à la vue de leurs familles et qui réellement efface leur existence physique. C’est sur ce même cimetière que sont faits les offrandes, les libations et même la divination, qui permettent aux être humains d’entrer en contact avec les morts-vivants. Aussi les sanctuaires familiaux consacrés aux morts-vivants sont ils généralement situés à l’endroit où le chef où l’aîné de la famille a été enseveli.

 

Pour l’africain en général, le Kongo en particulier, le cimetière remplit une fonction religieuse, parce qu’il unit de façon mystique les générations passées et présentes, le ZAMANI (passé des défunts) et le SASA (présent des vivants) les vivants et les morts-vivants. C’est ici que les vivants comme les défunts se rejoignent en une communion mystique.

 

Chaque fois que les vivants se sentent en état de déséquilibre social et psychique, ils peuvent toujours se rendre au cimetière pour rencontrer les ancêtres qui sont les détenteurs d’un pouvoir surnaturel. L’invocation des ancêtres ou la communion avec les morts-vivants ont pour raison d’être de réajuster l’individu et la communauté.

 

Le cimetière est une force régulatrice pour l’individu et la communauté toute entière. Quand un individu n’est pas content de la conduite de son aîné, il pourra toujours aller pleurer au cimetière devant la tombe de son oncle ou de son père pour demander secours auprès d’eux pour que le conflit qui l’oppose à son aîné soit résolu. C’est ainsi que les clans dans les villages évitent toute provocation qui puisse conduire une personne offensée à aller pleurer au cimetière.

 

Le cimetière est une plate forme, car c’est là que tout individu mécontent, hanté par l’angoisse, la frustration, l’insuccès et la contradiction, extériorise ses sentiments. C’est là que l’individu se défoule.

 

Le cimetière a aussi une fonction judiciaire. Quand les vivants sont incapables de trancher un litige, surtout les problèmes fonciers, les membres d’un des clans pourront se rendre au cimetière en vue de prier les ancêtres de venir à leurs secours en leur communiquant par rêve la solution car la solution révélée par les ancêtres fonde la légitimité du jugement fait par les juges. Un faux jugement contesté par les vivants et les morts-vivants entraînerait des conséquences graves, même la mort.

 

Le cimetière assure et cimente la continuité du clan.

 

En résumé, le cimetière a des fonctions sociologique, religieuse et thérapeutique dont la raison d’être est de maintenir l’équilibre de la communauté et la santé mental de l’individu et de la collectivité. Les africains en général, les kongo en particulier, font appel aux ancêtres du cimetière pour assurer la fécondité, la guérison, la fertilité, la longévité, la prospérité, la sécurité et la réconciliation. 

 

Ils s’y rendent pour obtenir la nomination à un emploi, pour détruire un ennemi et pour dominer les autres. Le cimetière est un lieu de rencontre, de dialogue et de communion entre les vivants et les morts-vivants. C’est la source d’inspiration matérielle et immatérielle.

 

(Extrait de : KIMPIANGA MAHANIAH, La mort dans la pensée Kongo, Editions du Centre de Vulgarisation Agricole, Kinshasa, 1988, 2e édition, pp7, 45,53)

 

 

 

 

 

 

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commentaires

D
waouuuuuuuuh que ce grand, que ce magnifique, que ce si intéressant, merci professeur, courage....
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